L’Armoise Annua et le Cancer
L’Artémisia Annua et le cancer.
1) L’étrange histoire de l’Artémisia de l’antiquité à nos jours.
Les propriétés anti paludéennes de l’Artémisia Annua sont connues depuis des millénaires en Chine, mais elles l’étaient également en Égypte au 1er Millénaire av JC. Le traitement des fièvres par cette plante, qui s’est poursuivi pendant des siècles jusqu’à nos jours dans les campagnes chinoises, avait été un peu oublié par les « savants ».
L’historique des travaux sur l’Artémisia Annua
C’est à la suite des ravages du paludisme dans les rangs de l’armée nord-vietnamienne que Mao Tsé Toung a mis en route en 1967, en pleine révolution culturelle, le « projet 523 » (ainsi nommé parce qu’il a été lancé le 23 Mai 1967). C’était un programme secret de recherche sur le traitement du paludisme, basé sur l’étude des traitements de la médecine traditionnelle chinoise.
L’Académie de Médecine Traditionnelle Chinoise a confié cette recherche à l’un de ses membres, Tu Youyou, jeune pharmacienne âgée de 36 ans, dont le nom est resté totalement ignoré jusque dans les années récentes. Ce n’est qu’en 2005 que Tu Youyou a été associée à la découverte de l’artémisinine, et qu’elle est devenue célèbre. En 2011, elle reçu le prestigieux prix Lasker DeBakey Clinical Research.
La recherche de Tu Youyou
Elle a rassemblé plusieurs milliers de recettes à base de plantes; elle a évalué 380 extraits de différentes plantes, parmi lesquelles l’Artémisia Annua (ou Qinghao), qui était connue depuis très longtemps pour son efficacité pour traiter les fièvres récurrentes.
Les premiers résultats obtenus par Tu Youyou ont été décevants, car les extraits étaient préparés avec de l’eau bouillante qui détruisait les composants actifs.
C’est en 1971, en réalisant une extraction par de l’éther à basse température, qu’elle a obtenu des extraits qu’elle a testé en laboratoire sur des souris et des singes infectés par le parasite, avec une efficacité pratiquement de 100% (92% exactement). Après avoir vérifié sur elle-même l’innocuité de l’extrait, elle l’a testé sur 21 patients impaludés, qui ont été guéris à 90%.
En 1972, elle a isolé une substance considérée comme l’élément actif de l’Artémisia Annua, et lui a donné le nom d’artémisinine (ou Qinghaosu, le suffixe su signifiant « la substance active »). Mais on peut encore noter que les premiers essais positifs avaient été faits avec de l’Artémisia Annua produite dans la région de Pékin et contenant peu d’artémisinine. Comme Tu Youyou désirait disposer de beaucoup d’artémisinine, elle a ensuite utilisé de l’Artémisia Annua provenant de la région du Sichuan, plus riche en artémisinine, avec des résultats cliniques identiques, ce qui suggère que la concentration optimale en artémisinine n’est pas nécessairement la concentration maximale…(ce qui a été largement confirmé par de nombreux travaux de recherche ultérieurs)
En 1975, Tu Youyou a déterminé la structure de la molécule d’artémisinine (sesquiterpène lactone).
En 1979, la publication d’un article dans le Chinese Medical Journal fit connaitre l’artémisinine.
En 1981, le 4ème congrès du Groupe de Travail Scientifique sur la Chimiothérapie du Paludisme, sponsorisé par le PNUD, la Banque Mondiale et l’OMS, se tint à Pékin. L’artémisinine devint connue dans le monde entier, et elle souleva l’intérêt des grandes firmes pharmaceutiques, qui produisirent des dérivés semi-synthétiques (artésunate hydrosoluble, arthémeter liposoluble…), aboutissant en 1986 à la mise sur le marché des premiers médicaments à base de ces dérivés. Devant l’efficacité de ces dérivés de l’artémisinine, en 2004 l’OMS en fit la promotion à grande échelle, et recommanda leur utilisation en association avec d’autres molécules déjà utilisées contre le plasmodium (le parasite à l’origine du paludisme). Ces médicaments, les ACT (Artemisinin Combined Therapy) sont aujourd’hui pratiquement les seuls utilisés en curatif des crises de paludisme.
Enfin, en 2011, l’OMS recommanda l’utilisation de l’artésunate en mono-thérapie par voie intraveineuse au lieu de sels de quinine dans le traitement du paludisme grave de l’enfant. Utilisation contestée et qui fait l’objet de débats car des effets secondaires graves (anémies mortelles dans certains cas) ont été fréquemment rapportés.
Tu Youyou, cette remarquable chercheuse née en 1930 obtint le Prix Nobel de Médecine en 2015, qui lui fut remis le 3 Octobre 2016 à l’âge de 84 ans.
2) Du paludisme au cancer. Les Américains.
Connaissant le mode d’action de l’artémisinine contre le plasmodium, les biologistes Henry Lai et Narendra Singh Professeurs bio ingénieurs de l’Université de Washington ont eu la bonne idée que ce mode d’action pouvait jouer de la même façon contre les cellules cancéreuses, les deux, plasmodium et cellule cancéreuse contenant beaucoup de fer et la molécule d’artémisinine tuant les cellules qui contiennent beaucoup de fer.
Comment marche l’artémisinine :
Extraits d’une communication du Pr. Narendra P. Singh en Aout 2013 :
« L’artémisinine provoque la mort des cellules cancéreuses par apoptose. La molécule d’artémisinine contient un pont endopéroxyde qui réagit avec l’atome de fer contenu dans la cellule pour former des radicaux libres. La formation de radicaux libres entraîne des dommages macromoléculaires et la mort de la cellule. Les cellules cancéreuses ayant une concentration en fer plus importante, sont ainsi plus vulnérables ». Il n’est pas nécessaire de rajouter du fer car notre nourriture en apporte suffisamment.
Voir une publication très claire et complète (et en français) du Pr Singh ici :
Artémisinine Présentation du Dr Singh from Geary Web Media
L’Artémisinine en France :
En France quelques laboratoires mettent en vente de “l’Artémisia”, il s’agit souvent de gélules contenant une plante séchée (Artémisia Annua ou autre si non spécifiée), soit des extraits d’Artémisia Annua ou d’autres Artémisia qui ne contiennent pas ou peu d’artémisinine et dont on ne connait pas l’effet sur le cancer. Il existe une cinquantaine de variétés d’Artémisia, dont certaines sont vénéneuses ou toxiques, donc dangereuses. Cinq ou six de ces variétés ont des propriétés anti-palu comparables à celles de l’Artémisia annua (notamment l’Artémisia Afra) sont parmi les plus diffusées. Par contre il est très difficile de trouver un fournisseur d’artémisinine car ce produit est interdit pour l’espèce humaine en Europe et en France.
A ce sujet, Sanofi, Novartis et d’autres grands groupes pharmaceutiques, ont mis au point plusieurs médicaments antipaludéens efficaces à base de dérivés semi-synthétiques de l’artémisinine, l’artésunate et l’artémether. Le Coarsucam et le Coarteun effet négatif de la diffusion de ces médicaments anti-palu appelés ACT a été la publication en 2012 d’un avis défavorable de l’OMS concernant l’utilisation des tisanes d’Artemisia annua traditionnelles utilisées depuis des millénaires sans effet négatif et sans développement de résistance du plasmodium. Les recherches récentes semblent au contraire montrer un développement de la résistance du plasmodium vis-à-vis des ACT et même des injections intraveineuses d’artésunate, alors que l’efficacité de la plante, notamment sous la forme de poudre de feuilles séchées d’Artémisia Annua reste entière, même dans des cas de paludisme extrêmes…
L’utilisation de l’Artémisia Annua concerne d’autres maladies, comme la maladie de Lyme, et bien d’autres pathologies liées à des parasites, des microbes, des virus : bilharziose, leishmaniose, et même tuberculose.
En ce qui concerne le cancer.
Cette plante est pleine de promesses, mais aujourd’hui, si l’un de ses modes d’action est compris, les essais cliniques à grande échelle n’ont pas eu lieu. L’équipe de Washington a commencé de l’utiliser sur des malades en privilégiant de faibles doses sur des durées assez longues. Le principal effet secondaire est l’anémie, qui au bout d’une période de 6 mois oblige à cesser le traitement, pour des résultats de réduction sensible des tumeurs de l’ordre de 40 à 45%.
D’autres médecins cherchent des résultats plus rapides, compte tenu des propriétés de l’artémisinine, mais se heurtent à la question des bonnes doses.
Le Pr Pamela Weathers du Worcester Polytechnic Institute étudie actuellement une approche qui pourrait être aussi efficace pour le cancer qu’elle l’est pour le paludisme : l’utilisation de la plante entière séchée (DLA : Dried Leaf Artemisia) plutôt que l’artémisinine pure. On espère avoir les résultats de ses essais rapidement.
Dans l’ensemble ce produit peut être considéré comme sans conséquences négatives, et utilisable à peu près sans risques.
Par contre il peut y avoir des contre-indications, par exemple avec l’utilisation d’anti-oxydants ou d’anti-inflammatoires, avec les chimiothérapies et les radiothérapies également, il est donc préférable de ne pas associer ou prendre des médicaments sans essayer de déterminer auparavant les possibles interférences. Ces effets se manifestent généralement par des nausées, des vomissements et des diarrhées, ils durent environ 4 à 6 jours.
Comme dans toute prise d’un traitement il faut être suivi par un médecin qui saura détecter les effets négatifs ou positifs sur la santé.
Articles tirés de plusieurs revues et remarques personnelles
Gilles de la Brière